Interview de Marianne BOIRAL

Exposition au Kursaal les 7 et 8 octobre 2023 – de 10h à 18h

– Quelques mots pour te présenter :
Ma passion pour l’art, la photographie, le portrait… Mais que dire d’autres pour éviter l’énumération assommante d’un parcours professionnel et de formation, alors juste « quelques mots » qui me sont chers : liberté, persévérance, utopie, Terre… Un(e) photographe ? : Cindy Sherman ou Lee Jeffries. Un(e) artiste chercheur ? Eliane De Latour ou Gilles Saussier. Un clin d’œil à une amie : un jour elle m’a dit que la citation qui me définissait c’était « les chiens aboient, la caravane passe »… Et ça me plait bien !

– Quand et comment as-tu débuté en photo ? Qu’est-ce qu’elle représente pour toi ?
J’ai commencé la photographie à 15 ans. Je me souviens de cette première série de photographies que l’on a faite avec une amie. Nous nous mettions en scène dans différentes tenues, à tour de rôle photographe ou modèle. Nous nous amusions à endosser différents personnages : bohémienne, sportive, dame de la Haute, rockeuse…  L’art en général, pas seulement la photo, donne l’opportunité de dépasser du cadre, génère des potentialités infinies, toutes sortes de « subversions invisibles » selon les mots d’Estelle Zhong Mengual.

– De quoi parle ton exposition ? 
La série « en-visage-ment » a été réalisée avec la collaboration d’étudiants en arts du spectacle à l’Université, dans le cadre d’une performance-installation « en-visage-ment : entre introspection et partage » qui a eu lieu en janvier 2023. Nous avons questionné la part du moi intime présente dans le rôle de l’acteur, ce que nous dévoilons et ce que nous cachons au regard de l’autre. Les portraits sont le point de départ d’une performance théâtrale autour des notions de portraits, d’autoportraits et d’identités multiples. Une belle authenticité s’est dégagée des visages et des mots des étudiants, qui ont eux-mêmes écrit leur texte.  

– En général, quels sont les sujets qui t’intéressent ? Qu’est-ce que tu y cherches, y trouves ? 
Actuellement je travaille le portrait en structures sociales, éducatives et d’insertion. J’investis des milieux et travaille en collaboration avec des publics divers : résidentes en EHPAD, lycéens, jeunes mineurs accompagnés par le Protection Judiciaire de la Jeunesse en Quartier mineurs de la maison d’arrêt et en foyer de placement, en Centre de Guidance Infantile…
En engageant une renégociation des regards croisés entre portraituré, photographe et spectateur, l’utilisation du portrait en pratique participative permet l’élaboration de nouvelles individuations. Elle permet de faire bouger les catégories et dessine de nouveaux contours aux dynamiques relationnelles. Je mène une thèse à l’Université sur le  portrait, en lien avec ma pratique. Ma recherche questionne ces enjeux éthiques, politiques et sociétaux  de la pratique du portrait.
Ce qui m’anime c’est ces jeux de représentations, de perceptions et d’interprétations, avec le désir de faire bouger les lignes pour « s’en-visager » autrement. La rencontre avec l’Autre, venu de divers horizons. Cette richesse de découvrir et d’apprendre de l’Autre. Cette petite mamie qui me révèle une part de son enfance passée à l’hôpital pendant la guerre, ce jeune en tôle qui se confie avec tant de maturité, défiant toute stigmatisation, cette femme qui me parle de son passé tumultueux en République Démocratique du Congo, ce jeune mineur placé en foyer qui n’a besoin que de reconnaissance pour pouvoir grandir…
Dans ma pratique, il y a ce puissant désir de liberté, de lutte contre l’enfermement réducteur des stéréotypes et des préjugés, de nos rôles attribués, prédéfinis, simplistes et figés. Que l’on retrouve déjà dans la série réalisée quand j’avais 15 ans, d’ailleurs ! Je questionne l’interaction dans les regards, la perception de nos places, de nos rôles incarnés, de nos (re)présentations sociétales…
Et puis dans la photographie, il y a la recherche de la beauté-non normée, subjective-, cette expérience du beau, la sensation d’un éclat quand je visualise le travail de certains artistes. L’éclat… une forme de grâce, de magnificence, mais qui peut blesser aussi, qui meurtrit, qui ne laisse pas indifférent. C’est le « punctum » dont parle Roland Barthes. Tout ce que révèle une image : la charge émotionnelle d’un visage, l’humanité décelée dans la part esthétique…  

-Lien hypertexte vers le site internet où l’on peut te retrouver :
Si vous voulez en savoir un peu plus, vous pouvez retrouver quelques travaux, de recherche et de création, sur mon site, marianneboiral.wixsite.com/marianneboiral

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